Christophe Rochus : "C’est sûr, le dopage dans le tennis est une réalité !"
EXCLUSIF "Mon frère et moi, on a toujours été clean."
Christophe Rochus s’exprime ouvertement sur le dopage dans une interview réalisée dans le cadre de l'Open d'Australie pour Twizz Radio. Depuis longtemps, des rumeurs courent à propos de Rafael Nadal qui serait dopé.
Le dopage dans le tennis, est-ce une réalité?
C'est sûr que c'est une réalité. Je le disais déjà il y a 10 ans. C'est un sport de plus en plus physique donc forcément, il y a de plus en plus de tentations pour le dopage. Maintenant, avec l'affaire Armstrong, on se rend bien compte que ce n'est pas parce quelqu'un n'a pas été contrôlé positif que cette personne ne s'est jamais dopée. Quand on a les moyens de prendre des bons médecins, de faire ses recherches de son côté, on peut avoir des produits tout à fait non détectables. Donc, les contrôles antidopage ne servent pas, à mon avis, à grand chose et ils ne prouvent surtout rien. Co ncernant Nadal, ces rumeurs restent des rumeurs même si tout le monde se pose la question: comment peut-on être aussi fort à Roland-Garros et un mois après soi-disant ne plus pouvoir jouer? C'est ça qui fait que ça paraît suspect, mais on n'a aucune preuve. Si ça se trouve il est réellement blessé.
Les interruptions, comme celle de Nadal et d'autres, ça jette un sérieux flou tout de même...
C'est le but! Le but, c'est que ce ne soit pas clair! Tout le monde s'arrange pour que ce ne soit pas clair. Moins vous mentez, moins vous donnez d'explications, au mieux c'est! Regardez Robin Söderling... Il a gagné le tournoi de Bastad en 2011 et depuis, il ne joue plus au tennis. Il est soi-disant gravement malade (ndlr officiellement une mononucléose) alors que je suis sûr qu'il était imbattable à ce moment-là. On ne peut pas négliger le fait que ce soit très suspect! On atteint le meilleur niveau de sa carrière et le jour d'après on dit je ne peux plus jouer au tennis... Moi, ça me paraît vraiment incroyable.
Et les fédérations? Complices ou pas?
Ça fait partie des rumeurs. On se dit "Tiens, c'est bizarre." Il y a tout de même plein de choses suspectes qui arrivent et on a l'impression que les meilleurs n'ont rien. C'est comme partout, il y a toujours des gens qu'on peut acheter! J'imagine que quelqu'un comme Armstrong avait peut-être les moyens et les connaissances pour payer un gars pour savoir comment ne pas se faire prendre. C'est certain: avec de l'argent on peut tout acheter! A partir de ce moment-là, il y a toujours moyen de passer à travers les mailles du filet. Ça fonctionne comme ça parce que chacun y trouve son compte: les fédérations, les sportifs...
Comment avez-vous fait vous, en tant que joueur, pour naviguer dans ce contexte et pour continuer à pratiquer votre sport et en faire votre métier?
Quand je suis arrivé dans le top 100, j'ai dit dans les médias que c'était scandaleux tous ces joueurs dopés et j'ai reçu une lettre de menaces de l'ATP Tour disant « C'est la dernière fois que tu parles de ça. Tu n'as pas de preuves, tu n'as rien ». Finalement, tous les joueurs que j'avais cités ont été contrôlés positifs. C'étaient tous des Argentins. Plutôt que toute cette hypocrisie, je pense qu'il vaut mieux légaliser le dopage. Quand je dis ça, je m'entends dire que je ne peux pas avoir de tels propos parce que c'est pas bien et le dopage c'est dangereux.
Mais en discutant avec des médecins, on constate qu'on n'est même pas sûr que ces produits soient si dangereux pour la santé. A ce moment-là chacun, en son âme et conscience, dit « moi, je prends le risque... moi, je ne le prends pas... ». Mon frère et moi, on a toujours été clean. On aurait pu prendre des hormones de croissance, mais on ne l'a jamais fait. On s'est dit que ça n'en vaut pas la peine . Peut-être qu'on aurait dû... Peut-être qu'on n'aurait jamais été contrôlés positifs... Peut-être que mon frère aurait fait 17 centimètres de plus et il aurait été dans le top 10 mondial... Chacun doit faire ses choix. Est-ce qu'on veut à tout prix être dans les meilleurs du monde ou est-ce qu'on accepte d'être juste un très bon athlètes, c'est personnel?
Ceci dit, comment peut-on mettre fin à tout cela? On a le sentiment que ça ne finira jamais ces histoires de dopage...
Il n'y a pas de fin à cela pour la seule et simple raison que le sport c'est un spectacle et qu'on en veut toujours plus. Si après dix étapes du Tour de France, les coureurs pédalent à 25km/h parce qu'ils ne peuvent plus pousser sur les pédales, on va dire que ça ne va pas. Si après un match en cinq sets qui a duré cinq heures en demi finale le joueur déclare qu'il ne peut pas disputer la finale parce qu'il ne sait plus se lever, le spectacle est terminé. On ne mettra jamais fin à tout cela. Il y a trop d'argent, il y a trop de spectacle en jeu. Mais moi, en tant que spectateur, ça ne me dérange pas de voir ces sportifs même si je sais qu'ils sont dopés. Pour moi, Armstrong ça reste un très grand sportif... dopé ou pas dopé! Les autres aussi. Les efforts, ils les ont fait...
Lalibre.be